Chars, le 25 janvier 2010

                                                                                            

                                                         


 

 

 

Monsieur le Député,

 

AVIGOLFE ( L’association des victimes civiles et militaires des guerres du Golfe et des Balkans) aura dix ans d’existence au mois de juin 2010. Malheureusement nous enregistrons toujours de nouvelles adhésions de personnes atteintes de pathologies plus ou moins graves.  Le descriptif de leurs symptômes recueilli sur questionnaire confidentiel, lors de l’adhésion, nous permet de penser qu’il existe un lien avec leurs activités sur les champs de bataille. Parfois nous apprenons, avec tristesse, le décès de certaines d’entre elles, adhérentes d’Avigolfe ou non.  Après 2001, le sujet est devenu « tabou » en France, tout au moins dans les grands médias. Depuis sa création, Avigolfe a été contactée par plus de 1400 personnes. Tout se passe donc dans l’anonymat et la méconnaissance, par l’opinion publique, en général, de ce grave problème.

            Aujourd’hui, nous avons décidé de vous informer et de faire le point sur le sujet. Sur simple demande de votre part, nous vous adresserons les documents et justificatifs de ce que nous affirmons dans ce courrier qui, nous l’espérons, retiendra toute votre attention.

            A l’issue de ses travaux, la Mission d’Information Parlementaire (MIP), créée pour étudier les risques sanitaires auxquels auraient pu être exposés les militaires français lors de la guerre du Golfe, a formulé dix propositions concrètes. (cf : http://www.assemblee-nationale.fr/rap-info/i3055-03.asp#P474_100691 ).  Bien peu d’entre elles ont été concrétisées.

 Celles qui n’ont pas vu le jour :

->Proposition n°8 : « Elargissement du régime de présomption d’imputabilité par une nouvelle rédaction du second alinéa de l’article L.3 du code des pensions militaires d’invalidité. » Cet article L.3 est devenu obsolète lors des conflits modernes, lorsque des pathologies comme les cancers, leucémies ou lymphomes se déclarent  plusieurs années plus tard, bien après les activités militaires des plaignants.

-> Proposition n°2 : « Lancer des études de descendance concernant les militaires ayant eu des enfants dans les cinq années suivant leur retour du théâtre d’opérations. » Certains de nos adhérents sont directement concernés, eux qui ont eu des enfants avec de graves problèmes de santé. Nous n’entrons pas, ici,  dans les détails que les intéressés eux-mêmes pourraient vous donner.

-> Proposition n° 7 : « Etablir, à titre transitoire, la liste des pathologies inexpliquées ouvrant droit à une compensation financière pour les anciens combattants de la guerre du Golfe dont les maladies ne sont pas encore clairement identifiées. » Nous avons rassemblé sur un CD-ROM toutes les études scientifiques sérieuses faites jusqu’à ce jour. Elles permettent maintenant d’identifier des pathologies qui ne l’étaient pas au moment de la rédaction par la MIP de ses dix propositions. C’est ainsi qu’en Italie, les autorités ont reconnu certaines pathologies et, sous certaines conditions, indemnisent depuis 2007, les victimes,  un fonds d’indemnisation ayant été créé.

Celle annoncée comme étant réalisée alors qu’elle n’a jamais eu lieu :

-> Proposition n° 1 : « Après dépouillement d'un questionnaire envoyé aux 25 000 anciens combattants de la guerre du Golfe, confier à plusieurs organismes scientifiques publics et privés, sous l'autorité de l'Institut de veille sanitaire, le soin d'effectuer des études de mortalité et de morbidité ciblées sur les militaires du GSL, du 3ème RIMa, du 4ème RD, de l'Etat-major de la Division Daguet, du 6ème REG, du 1er REC et du 2nd REI »

 

Les affirmations :

 a) Journal Officiel du 13 octobre 2003, rubrique « Assemblée nationale », en pages 7820 et 7821. – Anciens combattants-23276-4 août 2003- Question de M.Thierry Mariani et sa réponse.  

b) Lettre de madame la Ministre de la Défense nationale, datant d’avril 2003, référencée /DEF/CPB/MIL/571/180 à Monsieur le député, Monsieur Gérard DUBRAC, dernier paragraphe.

c) Affirmation de M. BERKANI, conseiller juridique de Monsieur le Ministre de la Défense, lors d’une réunion au Cabinet du Ministre,  étaient présents Avigolfe avec ses représentants et ses conseils ainsi que les représentants du Ministre.  Monsieur Berkani informe Monsieur Hervé Desplat, Président d’Avigolfe, que le ministère de la Défense a missionné en 2006, l’INVS (l’Institut National de Veille Sanitaire) pour mener une enquête sur la mortalité des anciens militaires déployés dans le Golfe ainsi que dans les Balkans.

 

Les démentis :

a) Lettre de Monsieur le Professeur Roger Salamon à Monsieur Hervé Desplat, Président d’Avigolfe. La lettre est datée du 2/05/05

b) Lettre du Docteur Françoise Weber, Directrice générale de l’INVS. Lettre datée du 18 DEC 2007, adressée aussi à Monsieur Hervé Desplat.

Ce manque d’étude de mortalité, ajouté à l’application strict d’un code des pensions militaire inadapté, a conduit certaines familles à avoir recours à la justice.  Certaines, celles frappées par le deuil,  ont demandé que des autopsies soient pratiquées. Les plaintes sont à l’instruction mais nous pensons que sa durée est « très » voire même « trop » longue !  AVIGOLFE s’est portée partie civile et nous envisageons de demander prochainement  la clôture de l’instruction des plaintes pour la guerre du Golfe. Nous souhaiterions que vous demandiez, dès à présent, aux autorités, de prendre toutes les mesures afin qu’une loi d’indemnisation soit promulguée rapidement. 

Cependant les enquêteurs ont découvert que 200 documents concernant  la  guerre du Golfe, classés « secret défense » , ont été détruits. Un autre fait, tout aussi grave à nos yeux, concerne l’AFSSA ( Autorité Française de Sécurité Sanitaire des Aliments)  qui a « perdu » opportunément un dossier très important. (TEDLAR). Malgré tout, des expertises, ordonnées par la Juge d’instruction,  ont permis de retrouver des traces significatives d’uranium sur les effets personnels de certains vétérans.

Nous voudrions évoquer maintenant le cas d’un casque bleu  français qui a fait un séjour de 6 mois en ex-Yougoslavie, entre mars et septembre 1993.  Il est décédé, 4 ans après son retour, d’un lymphome non hodgkinien d’un haut degré de malignité. En 2001, ayant appris les cas de leucémies et autres maladies graves chez d’autres casques bleus européens, la famille s’est d’abord tournée vers les autorités militaires françaises qui n’ont pas reconnu le lien entre la pathologie et le service.  Pourtant,  d’anciens compagnons d’armes avaient dit que les camions utilisés dans les Balkans, au moins durant les années 1992-1993, étaient les mêmes que ceux utilisés  pendant la guerre du Golfe (ils avaient été simplement repeints, extérieurement, à leur arrivée à la base arrière de Pleso, près de Zagreb, en Croatie, aux couleurs des Nations Unies.) Or il faut relire le rapport d’audition du général Janvier par la Mission d’Information Parlementaire (http://www.assemblee-nationale.fr/rap-info/i3055-02.asp#P1031_141130).  La division Daguet a été contaminée par l’uranium appauvri lors de la guerre du Golfe. « Une exposition incontestable des unités de la Division Daguet » :

« Au terme de ses investigations, la mission d'information a acquis la certitude que des militaires français ont pu être en contact plus ou moins rapproché (dans le temps et l'espace) avec des sites ou des cibles bombardés par des munitions à uranium appauvri.D'ailleurs, le Général d'armée Bernard Janvier, Commandant la Division Daguet au cours de l'offensive terrestre, a confirmé cet état de fait, comme l'illustre cet extrait du procès-verbal de son audition:

"M. Claude Lanfranca, co-rapporteur : Les troupes françaises sont donc passées, après les bombardements américains, au milieu de chars détruits.

Général Bernard Janvier : Bien entendu ! Nos unités ont traversé les zones bombardées, des points d'appui, des chars, des dispositifs d'artillerie traités par des appareils A 10 ou F 16. Le seul endroit où il n'y a pas eu d'appui aérien avant l'assaut c'est As Salman, le 25 février dans l'après-midi, pour des raisons météorologiques". »

 

On trouvera aussi à l’adresse Internet ci-dessous, une confirmation de cette contamination de la division Daguet. Il s’agit du rapport n° 1410 mis en distribution  le 10 février 2004, durant la douzième législature ( rapport fait au nom de la commission de la Défense nationale et des forces armées sur proposition de résolution (n°829) de M. Yves Cochet. http://www.assemblee-nationale.fr/12/rapports/r1410.asp#P162_29689

Tout aussi inquiétante est la teneur de la lettre du 19 novembre 2002 – 015583, réf : DEF/CAB/CM23, émanant du Ministère de la Défense et signée de Monsieur Philippe Marland, Directeur du Cabinet civil et militaire – Cabinet du Ministre : « En l’absence d’éléments indiquant une éventuelle contamination sur des véhicules terrestres, il n’a été procédé, au retour du Golfe, à aucune décontamination spécifique ; seules les opérations régulières de nettoyage des véhicules ont été effectuées, au sein de l’armée de terre, dans le cadre d’un entretien programmé. »

Cette lettre répondait à une demande, à savoir si les véhicules utilisés en 1993 avaient bien servi lors de la guerre du Golfe et, dans l’affirmative, s’il y avait eu avant ce réemploi, dans les Balkans,  une recherche de contamination et éventuellement, une décontamination quelconque. Cette réponse de Monsieur Marland est  aussi une confirmation implicite du réemploi des véhicules.

Cette question méritait d’être posée, surtout quand on connaît la teneur et l’objet du rapport N° N.37.R, intitulé : « La décontamination et le rapatriement pendant et après les opérations militaires multinationales ». Celui-ci a été promulgué en septembre 2000 et diffusé en 2 exemplaires aux Etats-Majors des Forces terrestres de France, Italie, Pays-Bas, Belgique, Rep.Fed. D’Allemagne, Royaume-Uni, Espagne, Grêce, Portugal et Secrétariat. Il émane d’un organisme supra-national ( FINABEL) faisant la liaison entre l’OTAN et les pays cités.

On peut lire, en page 7 : « … on peut distinguer les sources de radiation suivantes :

… 5. Produits militaires divers :  certains produits militaires (munitions, véhicules, équipements/appareils) peuvent contenir des éléments radioactifs ( tel l’uranium appauvri) et peuvent donc présenter un danger d’irradiation et/ou de contamination.

Plus loin, page 7, au paragraphe 1.7 -  Les répercussions d’un environnement LLR ( Faible radiation) pour les opérations militaires :

 « … les effets à long terme de contamination interne ne doivent pas être minimisés…. La période radioactive d’une partie des nucléides les plus pertinents (voir N.33R, annexe A, tableau 6) est si longue qu’un danger important persiste pendant plusieurs années. Ainsi, les poussières radioactives peuvent se déposer facilement sur les vêtements et les véhicules…. »

En page 9 : « En règle générale, l’emploi d’armes nucléaires ou le rejet accidentel ou intentionnel de matières radioactives (par ex. par l’emploi de munitions contenant de l’uranium appauvri – danger à cause de l’exposition au rayonnement de l’uranium et de la contamination par l’incorporation de l’uranium émettant des rayonnements alpha et étant fortement toxique) conduit, à des degrés variables, à la contamination directe ou indirecte de l’air, du sol, de cours d’eau et par conséquent du personnel, des matériels et du terrain et impose donc, dans la plupart des cas, la décontamination pour faire face aux risques pour la santé. »

 

Un autre document, produit par le même organisme, précise  que tout matériel contaminé doit être considéré comme une « source » d’irradiation externe et comme une source potentielle de contamination interne. En cas de contamination grave, il peut s’avérer nécessaire d’abandonner le matériel sur place. Certains de nos adhérents ont témoigné avoir vu ou eux-mêmes avoir procédé à l’enfouissement de matériel à la fin de la guerre du Golfe.

 

Sachant tout ceci, la famille du casque bleu a fait procéder à l’analyse d’un prélèvement de ganglion lymphatique conservé jusqu’alors par l’hôpital civil qui avait soigné cet ancien militaire. Pour ce faire, le père s’est rendu en Italie, au laboratoire des docteurs Gatti et Montanari. Leurs recherches, financées par l’Union Européenne, avaient permis de trouver une explication aux leucémies et lymphomes dont avaient été victimes plusieurs casques bleus italiens, ainsi que des civils bosniaques. Ces scientifiques ont retrouvé des nanoparticules nocives dans les organes malades de toutes ces personnes ( plusieurs centaines de cas étudiés) y compris chez le casque bleu français. Ceci a fait l’objet d’un reportage fort intéressant de la journaliste Pascale Justice de FR3. Il a été diffusé en 2005, au journal télévisé national, malheureusement à une heure très tardive … mais nous en avons une copie sur CD-ROM. Les docteurs Gatti et Montanari sont disponibles pour venir en France pour expliquer leurs travaux et commenter le cas du militaire français.  Ils sont joignables (dans ce cas il faut s’adresser au docteur Montanari qui est parfaitement bilingue) à l’adresse suivante : Laboratoire Nanodiagnostics-Via Enrico Fermi, 1/L  -  41057 SAN VITO (MODENA)  ITALIE Email : montanari@nanodiagnostics.it  tel : 00 39 059 79 87 78.                                                             

 

La famille dispose du rapport écrit de ce laboratoire mais il n’a pas été retenu par les autorités françaises.  Un recours devant le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a permis d’obtenir la nomination d’un expert français qui a fait procéder, avec l’aide de deux sapiteurs, à des prélèvements d’organes du défunt, pour analyse.  L’exhumation du corps a eu lieu le 4 septembre 2009. Ce fut une épreuve très pénible pour la famille qui attend maintenant les résultats de ces analyses.

Nous rappelons que les autorités italiennes ont reconnu le lien entre les pathologies (de leurs casques bleus), la présence de nanoparticules et l’usage des armes à uranium appauvri. Un fonds d’indemnisation a été créé dès 2007. La Belgique a inscrit dans sa constitution le bannissement de  la production et l’usage des munitions à l’uranium appauvri. Ce n’est pas pour rien.

 

Il y aurait encore beaucoup à dire sur ce qui se passe au niveau des Nations Unies. Depuis quelques années, l’usage de ces munitions particulières inquiète des scientifiques et des dirigeants politiques. Par exemple, de nombreux pays sont très inquiets de l’usage répété et fréquent de munitions à uranium appauvri. La liste des pays où ces munitions ont été ou sont encore utilisées ne cesse de s’allonger. Localement on observe toujours un nombre de plus en plus grand de cancers, leucémies, lymphomes et de bien d’autres pathologies déjà observées chez les vétérans français du Golfe comme des Balkans. Les pays de l’OTAN et leurs alliés se sont abstenus ou ont voté contre lorsqu’il s’agissait  de procéder à des études approfondies pour disculper ou incriminer, une fois pour toutes, l’uranium appauvri.  La France a voté contre mais Monsieur le Président de la République, alors candidat à l’élection présidentielle, écrivait le 11 avril 2007, au Président d’Avigolfe :

« Avant d’envisager d’éventuelles mesures spécifiques, je souhaite que la matérialité des pathologies directement liées à ce conflit soit établie sans le moindre doute scientifique (…) En tout état de cause, soyez assuré que toute évolution favorable des recherches en la matière serait immédiatement examinée et que les conséquences politiques et administratives en seraient rapidement tirées. »

Cette contradiction nous trouble beaucoup !

Nous espérons vous avoir convaincu d’œuvrer, toutes couleurs politiques confondues, pour qu’une issue prochaine et favorable soit trouvée, à l’instar de ce qui a été fait récemment pour les vétérans des essais nucléaires français. Les vétérans de la guerre du Golfe ou ceux des Balkans ont répondu présent lorsque la France a eu besoin d’eux.  Ne l’oublions pas.


           

Nous vous serions reconnaissants de bien vouloir nous tenir informés des suites que vous comptez donner à ce courrier.

Dans l’attente de vous lire, nous vous prions d’agréer, Monsieur le député, nos sincères et respectueuses salutations.

                 


 

Le Président d’Avigolfe                                                              Hervé DESPLAT                               

Le secrétaire général d’Avigolfe                                                   Alain ACARIES

                                  

 

 

AVIGOLFE

Association des Victimes Civiles et Militaires de la Guerre du Golfe

49 avenue de Bontemps

95750 CHARS

http://www.avigolfe.com