Contribution
du groupe Sortir du Nucléaire Lot,
le 31 mai 2010
Le
problème interne au réseau Sortir du Nucléaire
soulève une grande inquiétude au sein du groupe Sortir
du Nucléaire Lot, et chacun ressent douloureusement les
conflits internes et les choix politiques pris par la direction du réseau,
qui ont abouti en particulier au licenciement d'un de ses porte parole
historique, Stéphane Lhomme et à une plainte contre ce
dernier et les anciens administrateurs débarqués lors
de l'AG
de février 2010.
Cette
inquiétude est renforcée par la prophétie d’Anne
Lauvergeon, pdg d’Aréva, qui déclarait le 9 décembre
dernier à l’Assemblée Nationale : "Dans
les années soixante-dix, le mouvement écolo s’est
développé à partir de sa lutte antinucléaire,
mais je pense qu’une scission interviendra sous peu entre les
écolos "canal historique", qui resteront antinucléaires
jusqu’à la fin des temps, et les écolos modernes
qui vont finir par reconnaître que le nucléaire fait partie
des solutions".
Nous
ne pouvons que constater le nombre de témoignages sur les dysfonctionnements
du réseau et partager leurs analyses (compilés
par QV sur son site
Internet. Le réseau Sortir
du Nucléaire est dans une crise grave mais cette crise,
si nous connaissons un peu l'histoire du mouvement antinucléaire
en France, n'est ni nouvelle ni originale même si elle est désolante
(voir l’ouvrage "Histoire
des luttes anti nucléaires en France 1958/2008"
d'Henry Chevallier, publié par le journal À
Contre Courant en mars / juin 2009 - qui présente des extraits de cette
histoire du mouvement antinucléaire et de ses relations avec
les partis de gauche / à commander à SDN 32, “La Bertrande“ 32400
Fustérouau / 8 euros l’ex. port inclus / chèques à l’ordre
de Ende Doman : ende.doman@wanadoo.fr).
Face
à cette crise, il nous semble que la seule solution est d’engager
une réflexion de fond, et que, pour ce faire, un congrès
extraordinaire, que l'on peut appeler de refondation si on veut, soit
décidé pour la fin de l'année (ou le début
de l'année prochaine) pour débattre : 1 ) du fonctionnement
du réseau, et 2) de notre position vis à vis de ceux qui
nous proposeraient de mettre en veilleuse l'antinucléaire pour
d'autres avancées 'écologistes'.
1)
Le fonctionnement du réseau
Il nous faut être anti-nucléaire sur le fond et sur la
forme. Si les partis de gauche ont toujours été pro-nucléaires,
c’est qu’ils n’ont jamais engagé de réflexion
sur le ‘dogme du progrès’. Le terme ‘progressiste’
est traditionnellement associé à la gauche, mais la droite
se définit aussi comme progressiste ce qui rend très difficile
une identité claire des combats à mener.
Derrière
l’opposition classique gauche/droite, se profile une autre opposition,
plus radicale entre gauche nucléaire et gauche anti-nucléaire,
entre gauche progressiste et gauche écologiste. OUI, il nous
faut le réaffirmer : une gauche écologiste ne partage
pas le ‘mythe du progrès’ et considère que
l’organisation politique qui a conduit l’humanité
à l’âge nucléaire - et que l’on qualifie,
depuis les Grecs de démocratie, c’est-à-dire de
‘pouvoir du peuple’ - est à réformer comme
est à réformer l’idéologie progressiste.
«
Si nous sommes opposés, écrit Günther Anders
en 1986 après Tchernobyl, au mode de production du courant
électrique à l’aide de l’énergie nucléaire,
ce n’est pas seulement parce que les produits sont dangereux et
mortels mais parce que leur mode de production est lui-même dangereux
et mortel… » et il ajoute « Quand au reproche
selon lequel nous ne serions pas progressistes, j’affirme (moi
qui ai toujours, à juste titre, été classé
parmi les radicaux) qu’on peut désormais jeter le terme
de “progressiste“ dans le tas des petits mots déjà
gâtés du siècle passé » (Günther
Anders, La menace nucléaire. Considérations radicales
sur l’âge atomique, p. 319-320)
Nous
devons certes réformer le fonctionnement du réseau pour
éviter que se répète le cycle décrit dans
l’ouvrage d’Henri Chevallier, mais nous devons le réformer
radicalement en remettant en cause aussi le dogme démocratique
qui a conduit la société à l’impasse actuelle.
Si
la démocratie est un mauvais système, c’est parce
qu’il est progressiste et qu’il renforce le pouvoir. Pouvoir
du Peuple certes, mais le peuple est une entité beaucoup trop
floue pour ne pas lui faire endosser, au nom de la représentation
et de la délégation des pouvoirs, toutes les dérives.
En Grèce, le peuple représentait 10 % de la population,
c’est-à-dire Les citoyens grecs ; jusqu’en 46 en
France, le peuple c’était les hommes, et pas les femmes
qui n’avaient pas le droit de vote ; aujourd’hui le peuple
c’est le pouvoir des multinationales et des banques qui financent
l’industrie nucléaire et que les partis de gauche ne remettent
pas en cause.
Il
nous faut donc engager cette réflexion même si elle est
longue et difficile et même si nous rencontrerons certainement
des des contradictions qu’il nous faudra résoudre. Nous
pouvons pour cela nous appuyer sur l’histoire du mouvement ouvrier
et notamment l’histoire de l’anarchisme qui, pendant tout
le 19e siècle a dialogué avec les autres courants. L’anarchie,
nous pouvons en donner une définition simple c’est : l’organisation
mais pas la hiérarchie.
À
partir de cette définition, la réflexion peut s’engager.
Il faut éviter, notamment, qu’un petit groupe de personnes,
salariés et/ou permanents puisse décider au nom de tous
et donc, sans renoncer à une certaine centralisation des décisions,
renforcer le pouvoir des groupes locaux et leur capacité de remettre
en cause à tout moment des orientations qu’ils ne jugeraient
pas conformes à leurs convictions.
Nous
pouvons dans notre réflexion nous appuyer sur d’autres
formes d’organisation, et notamment celles des peuples traditionnels
qui, avec des formes différentes suivant les cultures, mettent
en place des mécanismes d’équilibre des pouvoirs,
compensent tout pouvoir excessif par un contre-pouvoir et, plus généralement
limitent tout pouvoir central. En Afrique, on appelle cela : ‘manger
le pouvoir du chef’ - quand un chef devient trop influent, on
le ‘mange’. Aux îles Samoa, lorsqu’une loi est
votée par la chambre des députés, pour qu’elle
puisse s’appliquer à une communauté locale, il faut
que celle-ci la vote à son tour. Voilà deux exemples,
parmi d’autres, mais qui montrent que de tous temps, les hommes
ont réfléchi à cette question du pouvoir et de
sa limitation.
2)
Le nucléaire et l’écologie
Que
penser en particulier de la décision prise par la direction du
réseau de co-signer l’Ultimatum climatique, avec
de grosses ONG à l’occasion du Sommet de Copenhague, pour
demander à Nicolas Sarkozy d’être le fer de lance
de la lutte contre le changement climatique. Comment
le réseau peut-il signer cet appel qui met le principal VRP du
nucléaire à la tête du projet écologique,
validant l’option du nucléaire propre, en contradiction
avec son but même ?
Cette
décision a été fermement dénoncée
par Stéphane Lhomme. La prise de position du porte-parole du
réseau est-elle la cause de son licenciement, exigé par
son directeur administratif ?
Que
pensent les groupes de voir le réseau Sortir du nucléaire
qui les représente être co-signataire de l’Ultimatum
climatique ? L’AG
du réseau a démocratiquement tranché en février
en validant (par 56 % de voix favorables, 19 % de voix contre, 6 % de
refus de votes et 18 % d’abstention) la motion de Tchernoblaye
« concernant le climat, le réseau ne signera aucun
texte qui ne condamne pas explicitement le recours au nucléaire
», qui confirme la position de 2009 « ni nucléaire
ni effet de serre ».
Malgrè
cette décision de l’AG souveraine, la signature du réseau
est toujours accolée à l’Ultimatum climatique
– sous prétexte que cette décision ne saurait être
rétroactive... Il est donc des choix de la direction du réseau
et de son nouveau CA qui ne se discuteraient pas.
Il
faut donner tort à Nicolas Sarkozy et à Anne Lauvergeon,
en prenant garde que le réseau n’opère la scission
que le lobby nous promet.
L’AG
qui se prépare en juin doit élire le nouveau CA du réseau,
et, propose sa direction, poser les bases de sa ‘refondation’.
Il appartiendra à tous d’y participer. Nul doute que le
problème ne se résoudra que si les groupes qui le constituent
amènent leur contribution dans un espace de débat et de
construction positive.
Encore
faudra-t-il que les décisions prises par cette AG soient respectées.
Le
retrait de la signature du réseau à l’Ultimatum
Climatique en serait le meilleur gage.
________________________________________
Le
groupe Sortir du nucléaire Lot :
•
dénonce les décisions de licenciement de Stéphane
Lhomme et de plainte contre ce dernier et “contre X“ prises
par la direction du réseau et son actuel CA, et soutenue par
ses salariés.
•
s’interroge sur le fonctionnement du réseau et le développement
de sa culture d’entreprise, et en particulier sur le fait que
le directeur administratif puisse se prévaloir du titre de “directeur“
et imposer par son autorité hiérarchique sa politique,
renforçant le côté pyramidal du réseau, et
demande à ce que cette fonction soit provisoire et puisse être
remise en question.
•
considère que les processus de prises de décision du réseau
au vu de son fonctionnement pyramidal actuel mettent en péril
son existence.
•
affirme la nécessité de bâtir la refondation du
réseau sur les avis des groupes adhérents afin que les
liaisons horizontales puisse s’y déployer, et que s’y
cultive la collégialité des choix dans le respect de la
pluralité.
•
affirme la nécessité de transparence du réseau
dans son fonctionnement comme pendant à l’opacité
du nucléaire, et à cet effet :
-
demande que soit mis en place un nouveau fonctionnement pour que les
positionnements du réseau émanent au maximum de la base
et à cette fin, que les questions fondamentales soient au maximum
posées aux groupes, au delà des AG, afin d’être
débattues et conditionnées à l’acceptation
du plus grand nombre.
-
demande que les débats et les décisions du CA soient
argumentées et transparentes, et communiquées aux groupes
via le système Intranet.
-
demande à ce que le fonctionnement et les prérogatives
du CA et du personnel salarié soient redéfinies, et
en particulier de veiller à ce qu'il n'y ait pas d'ingérence
de la part des salariés du réseau dans les décisions
du CA.
•
se positionne pour le retrait argumenté de la signature du réseau
à l'Ultimatum climatique.
•
appelle à la tenue d’un congrès de refondation dans
un délai raisonnable et propose que le nouveau CA soit mandaté
pour préparer, avec les groupes adhérents au réseau,
ce congrès dans le respect le plus large des positions et des
orientations de chacun.
Bien
au-delà des questions de personnes, ce sont des questions de
fond qui sont posées et nous ne les résoudrons que par
un débat de fond.
Le
groupe Sortir du Nucléaire Lot, le 31 mai
2010
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> Lire aussi : "Où
en est la lutte pour la fermeture de Fessenheim après la manifestation
organisée par le Réseau le 3 octobre 2009 à Colmar
?" par Nicole Roelens, Stop Fessenheim.