ARGENT, POUVOIR & NUCLÉAIRE

 

 

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Appel À l’arrÊt du nuclÉaire
maintenant, ici et partout

par Françoise Boman
article paru dans Atomes crochus n°5

 

 

le nuclÉaire est la pire des armes de destruction massive

seule capable d’exterminer l’humanité entière. De plus, c’est la pire des pollutions car certains radionucléides disséminés dans l’air, l’eau, le sol, la chaîne alimentaire restent définitivement toxiques pour les organismes vivants. Après 70 ans d’explosions et de désastres qui continuent comme ceux de Tchernobyl et de Fukushima à contaminer l’hémisphère Nord, un monde sans nucléaire n’est donc plus possible. Ce qui est possible et urgent, c’est d’interdire les armes atomiques et d’arrêter de produire davantage de déchets radioactifs.

 

 

 

 

 

Nucléaire rime avec guerre

 

Les industries nucléaires ont été développées à marche forcée pendant la deuxième guerre mondiale pour fabriquer la bombe atomique qui assurera aux États-Unis une suprématie scientifique, technologique et économique sur le reste du monde.

 

Le nucléaire dit civil ouvre la voie au nucléaire militaire : un pays s’équipant de moyens d’enrichissement de l’uranium (centrifugeuses) ou de séparation de plutonium (comme à l’usine de La Hague) peut fabriquer la bombe (1).

 

Les réacteurs nucléaires français destinés à produire de l’électricité produisent du plutonium, radionucléide artificiel à usage militaire que la France s’entête à recycler en combustible MOX. Ce dernier est utilisé par certaines centrales en France et au Japon comme celle de Fukushima Dai-ichi. L’explosion de cette dernière en 2011 a donc disséminé du plutonium à partir du MOX fourni par la France. Notre pays lui-même est contaminé par le plutonium.

 

Or le plutonium, émetteur de particules  alpha, est extrêmement toxique à doses infimes s’il pénètre dans l’organisme par inhalation (de poussières radioactives), par ingestion (d’eau, de lait ou d’aliments contaminés) ou par voie transcutanée (blessures). La contamination interne est plus dangereuse encore que l’irradiation externe car les radionucléides piégés dans l’organisme y exercent durablement leurs effets.

 

 

L’épée de Damoclès nucléaire n’est pas seulement militaire

 

Les stocks actuels d’armes nucléaires à l’échelle mondiale pourraient détruire plusieurs fois l’humanité. L’explosion de quelques dizaines ou centaines de ces bombes provoquerait un « hiver nucléaire » apocalyptique fait d’obscurité, de froid et de radioactivité. Même limitée géographiquement, une guerre nucléaire aurait des conséquences planétaires : elle entraînerait une baisse des récoltes et, du fait de la mondialisation actuelle de l’économie, des famines touchant en priorité les populations les plus défavorisées même très éloignées du lieu du conflit (1).

 

Depuis les bombardements atomiques sur Hiroshima et sur Nagasaki en 1945, les désastres nucléaires se multiplient, de l’explosion accidentelle d’une cuve souterraine de déchets radioactifs à Mayak en Russie (1957) à Three Mile Island aux États-Unis (1979) puis Tchernobyl en Ukraine (1986) et Fukushima au Japon (2011).

 

En France, pays proportionnellement le plus nucléarisé du monde avec le Japon d’avant Fukushima, la survenue d’un désastre nucléaire paraît hautement probable sinon inéluctable quel que soit l’effort financier consenti dans le but chimérique de « sécuriser » les centrales et installations nucléaires en fonctionnement. La centrale du Blayais près de Bordeaux a frôlé le désastre lors d’une tempête en décembre 1999.

Les causes pouvant déclencher notamment en France une catastrophe nucléaire de l’ampleur de celles de Mayak, Tchernobyl et Fukushima sont multiples : vieillissement des installations au-delà de la durée pour laquelle elles ont été construites (25 à 30 ans pour les centrales, beaucoup moins pour les réacteurs de sous-marins atomiques) ; évènement climatique majeur (séisme, inondation, etc.) favorisé par la crise climatique de gravité croissante par combustion immodérée d’énergies fossiles (émission massive de gaz à effet de serre) ; défaut technique ; erreur humaine en raison des conditions de travail de plus en plus difficiles et de l’insuffisance de formation des sous-traitants ; acte de malveillance, de folie ou suicidaire ; attentat terroriste (crash d’avion, drone, attaque informatique, etc.) ; conflit armé.

 

 

Que deviendrions-nous en cas de nouveau désastre nucléaire ?

 

Un désastre nucléaire en France ruinerait le pays et anéantirait nos aspirations à un monde meilleur. La dictature nucléaire qui nous est déjà imposée révélerait au grand jour sa nature militaire. Les pastilles d’iode destinées à diminuer le risque de cancer de la glande thyroïde soumise au « choc d’iode » seraient distribuées par la pharmacie centrale des armées sur ordre des autorités compétentes. Nous subirions le même sort que les populations qui, à Tchernobyl, à Fukushima et ailleurs, ont été évacuées ou confinées puis contraintes à choisir entre l’exil, la perte de leurs biens, de leur travail, la séparation des familles, ou une vie inhumaine en zone radiocontaminée.

 

Les radiations ionisantes ne sont pas perceptibles par le corps humain et, à doses dites faibles, les dommages qu’elles infligent aux organismes vivants ne se révèlent habituellement que plusieurs années ou décennies plus tard. C’est pourquoi il est facile aux autorités pronucléaires de nier leur toxicité et d’inciter les populations à rester ou à retourner vivre en zone radiocontaminée. Dans cet objectif, les programmes de type Ethos sont à l’œuvre autour de Tchernobyl et autour de Fukushima.

 

Les pathologies radio-induites touchant les millions d’habitants dont 500 000 enfants vivant en zone hautement contaminée après Tchernobyl commencent à apparaître au Japon après Fukushima. Actuellement elles sont surtout dues à la contamination interne chronique par ingestion de radionucléides à demi-vie longue comme le césium 137 et le strontium 90. Il s’agit de cancers, de maladies non cancéreuses, et d’anomalies génétiques et épigénétiques transmises de génération en génération.

 


 

 

 

Une pollution à l’échelle planétaire

 

Les bombardements sur Hiroshima et sur Nagasaki au Japon les 6 et 9 août 1945 et les essais nucléaires qui se sont multipliés pendant la guerre froide resteront une catastrophe pour la santé, la vie et la descendance des militaires et des civils qui y ont été exposés. Des territoires immenses restent contaminés par les activités nucléaires militaires et par les industries nucléaires dites civiles.

 

Sur le territoire français, en plus des retombées radioactives venues d’ailleurs (par exemple de Tchernobyl), la radiocontamination de l’eau, des sols, de la chaîne alimentaire ne cesse de croître à partir de nos propres installations au fil des rejets autorisés, des fuites, incidents et accidents, du transport et du stockage des combustibles et des déchets radioactifs.

 

Malgré les difficultés des études épidémiologiques, une augmentation d’incidence des leucémies (cancers des cellules sanguines) a pu être démontrée statistiquement dans notre pays chez les travailleurs du nucléaire et chez les enfants résidant à proximité des centrales en fonctionnement dit normal (2).

 

La maîtrise de la dissémination des radio-nucléides dans l’environnement et dans les organismes vivants s’est révélée être impossible. Il n’y a pas de solution, seulement des options dont aucune n’est satisfaisante. Après l’arrêt du nucléaire, beaucoup de travail reste à faire par les scientifiques, ingénieurs et techniciens pour limiter la toxicité de cette pollution pour la santé et pour la vie.

 

De leur côté, les médecins ne peuvent que reconnaître leur impuissance face à cette toxicité unique au monde. On ne peut pas guérir le mal fait par les rayons aux organismes vivants. 

 

 

Une politique pronucléaire contre toute raison

 

Par son attachement à la théorie de la dissuasion nucléaire dont on sait pourtant qu’elle est incapable d’assurer la sécurité de la population, notre gouvernement menace les autres pays et favorise la prolifération d’armes nucléaires au niveau mondial.

 

En dépit des pressions internationales, la France modernise ses équipements (notamment missiles et sous-marins) et ses centres de recherche. Elle pratique des explosions nucléaires en laboratoire et maintient sur son territoire 300 bombes atomiques incluant 96 têtes nucléaires en état d’alerte permanente. Ces dernières peuvent frapper leur cible en quelques minutes par un tir accidentel ou voulu (1).

 

La personne élue au poste de Président(e) de la République française a l’extraordinaire pouvoir de décider un tir nucléaire. Celui-ci déclencherait immédiatement une riposte qui nous détruirait. Ainsi, une personne est investie d’un pouvoir de vie et de mort sur nous.

 

Elle a également le pouvoir, dont elle ne se prive pas, d’intervenir militairement en Afrique pour le contrôle de l’uranium. Elle maintient en fonctionnement des centrales nucléaires vétustes dont l’extrême dangerosité est avérée et qu’il est impossible de rénover même à un coût exorbitant. Elle décide la construction de nouvelles installations toutes plus dangereuses et coûteuses les unes que les autres. Elle tente d’imposer des projets insensés d’enfouissement des déchets comme à Bure dans la Meuse. Elle persiste à soutenir et tenter d’exporter partout dans le monde une technologie désormais dépassée et apparentée à un crime contre l’humanité.

 

Cette politique accapare l’argent public, les compétences et les cerveaux. Elle est menée au détriment de l’immense majorité de la population et au profit de quelques industriels, banquiers, technocrates, scientifiques et personnalités politiques. Ces gens restent pro-nucléaires parce qu’aveuglés par leur fascination pour l’atome et par leur appétit d’argent et de pouvoir. Ils tiennent notre santé, notre vie et celles de nos enfants entre leurs mains.

 

 

 

 

L’arrêt du nucléaire : une décision politique voulue et accompagnée par la population

 

Arrêter le nucléaire, c’est contribuer à prévenir la survenue d’un nouveau désastre nucléaire et cesser d’aggraver la contamination radioactive de la planète.

 

Si tous les Français avaient le courage de regarder en face les véritables effets du nucléaire sur la santé et sur la vie, ceux qui nous gouvernent seraient dans l’obligation de prendre enfin la décision d’interdire les armes atomiques (et à l’uranium appauvri) et d’arrêter de produire davantage de déchets radioactifs.

 

L’arrêt du nucléaire est une urgence sanitaire, humanitaire, sociale et économique. Nous devons cesser d’extraire l’uranium (et le thorium) en Afrique ou ailleurs, mettre fin aux transports radioactifs, cesser de produire du plutonium, mettre à l’arrêt non seulement les centrales nucléaires (le tiers des réacteurs français le sont déjà à l’heure j’écris ces lignes) mais aussi les usines, installations et centres variés contribuant à cet immense gâchis mettant en danger l’humanité entière.

 

Les ressources financières, humaines, scientifiques et techniques ainsi libérées pourraient être consacrées d’une part à la limitation dans l’espace et à la sécurisation des déchets nucléaires existants, d’autre part à la prévention des conflits (par l’éducation, la réduction des inégalités, etc.) et au développement des alternatives énergétiques. De ces dernières, la plus efficace (réduire à grande échelle la consommation d’électricité) est aussi la plus simple à mettre en œuvre.

 

 

            Françoise Boman

 

 

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1 - Stéphane Hessel, Albert Jacquard, Exigez ! un désarmement nucléaire total, Observatoire des armements. Éd. Stock, 2012

 

2 - https://pectineactualites.wordpress.com/les-fiches-sante-et-nucleaire-de-francoise-boman,
<ur1.ca/qangw>