DERNIÈRES NOUVELLES

EPR : FUITES EN AVANT

CLIMAT ET NUCLÉAIRE
PACIFIQUE ATOMIQUE
8° JOURNÉES D'ÉTUDES
ATOMES CROCHUS
PÉTITIONS
ÉTAT DES LIEUX
TRAVAILLEURS
CIT-GIT CIGÉO
TCHERNOBYL 35 ANS
FUKUSHIMA 10 ANS
NOTRE AMI L'ATOME
CIVIL ET MILITAIRE
L'APPEL DU TIAN
C'EST DE LA BOMBE
NOS AMIS LES EXPERTS
ONU ET NUCLÉAIRE
SALON DE L'ATOMOBILE
JOURNÉES D'ÉTUDES 2020
2019/2018/2017
2016/2012/2011

COLLECTIF ADN

ARGUMENTS POSÉS


RELANCE DU NUCLÉAIRE ?

Le choix du nucléaire est d'abord
une affaire politique, économique et sociale

par Gianni CARROZZA, contribution à la réunion publique du 10 mars 2023 à Noisy-le-Sec.
Débat « Relance du nucléaire, solution ou piège ? » présenté par Sabine Rubin.


Je ne suis pas un "expert" et je fais partie d'un collectif qui revendique le droit de la population d'avoir son mot à dire notamment sur les questions qui la concernent telles que les questions de santé publique, d’énergie, de travail... Car c'est elle qui subit les conséquences des décisions prises sur sa tête. Je ne suis pas ingénieur, mais j'ai une formation d'historien. Ce qui m'a amené à faire une petite recherche sur les promesses du nucléaire et sur sa réalité.

J'ai constaté que le choix du nucléaire est d'abord une affaire politique, économique et sociale et, seulement comme conséquence, une question d'ordre technique, malgré les efforts du lobby pour nous faire croire le contraire. Je n'ai pas la prétention de vous convaincre, mais je me bornerai à vous donner quelques éléments de réflexion.

Chez nous tout a été fait pour nous empêcher de penser à la possibilité d'arrêter : on a imposé le nucléaire sans jamais demander son avis à la population, on a utilisé la corruption des élus locaux à large échelle pour lui donner une apparence de légitimité et surtout on continue à nous bombarder avec une propagande lénifiante.

Pour ma part, je voudrais remettre en discussion l'idée qu'il n'y aurait pas d’alternative, que ce serait le nucléaire ou la bougie.

Ce soir je vais vous parler du mythe selon lequel nous serions un pays vertueux qui essaye de réduire sa production de CO2 en utilisant l'uranium pour produire de l’électricité, et qui serait entouré de pays pollueurs à qui nous devrions imposer cette énergie verte que serait l’énergie atomique.

 

1) Malheureusement, quand nos centrales ne marchent pas, ce sont les pays pollueurs qui nous fournissent de l'électricité, au point que l'année dernière la France est devenue importateur net d’électricité, dès les derniers mois de 2021, avant la guerre en Ukraine. La situation s'est fortement empirée en 2022. Je n’insiste pas sur ce point car je n'aime pas tirer sur des ambulances.

Bilan électrique national - derniers mois 2021, publié par RTE le 25 février 2022
https://www.rte-france.com/actualites/bilan-electrique-2021

 

2) On voit bien qu'en Europe la majorité des réacteurs atomiques sont concentrés dans un seul pays, qui de ce fait est le pays le plus nucléarisé au monde et le plus exposé à un accident majeur.

Mais est-ce que c'est pour autant le pays le plus vertueux ?

 

Réacteurs nucléaires Europe


https://fr.statista.com/infographie/29251/nombre-de-reacteurs-nucleaires-en-activite-
et-en-projet-eneurope

 

3-4-5-6) D'habitude, quand on nous chante les louanges du nucléaire français, on prend comme terme de comparaison l'affreuse Allemagne, qui pollue le monde avec son charbon. Pour ma part je vous propose de comparer avec l'Italie, qui a une population équivalente à celle de la France, qui a renoncé au nucléaire il y a plus de 30 ans et qui utilise largement le gaz. Elle n'est pas retournée à la bougie et a conservé une structure industrielle importante, ce qui en fait le deuxième pays industriel en Europe. Mais elle a un niveau d'émission de CO2 tout à fait proche de celui de la France.

Les deux pays se trouvent à peu près au même niveau d'émission de CO2, comme on peut aisément le voir dans ces images.

Comment expliquer que ces deux pays, l'un très nucléarisé, l'autre pas du tout, émettent sensiblement la même quantité de GES ? Soit le nucléaire n'est pas une source d'énergie aussi décarbonée qu'on nous le raconte, soit ce n'est pas seulement le mix de la production d'énergie électrique qui est en cause mais bien l'ensemble des émissions liées à la civilisation industrielle dans laquelle nous vivons (agriculture, industrie, transports, énergie, logement..). Ou les deux.

 

Empreinte carbone - Europe - 2018

https://www.hellocarbo.com/blog/reduire/empreinte-carbone-definition

 

https://www.bfmtv.com/international/quels-sont-les-pays-qui-emettent-le-plus-
de-co2-dans-l-unioneuropeenne_AN-201905090046.html

 

https://bonpote.com/les-infographies-bon-pote/

 

 

1 - https://fr.wikipedia.org/wiki/Liste_des_pays_par_%C3%A9missions_de_
dioxyde_de_carbone_li%C3%A9es_%C3%A0_l%27%C3%A9nergie

2 - Pour l’empreinte carbone, comprenant les émissions des 3 principaux gaz à effet de serre (CO₂, CH₄ et N₂O) dues aux importations et aux émissions sur le territoire national, je n’ai trouvé que des données estimées et aucune donnée pour le Royaume-Uni. Voir :
https://www.insee.fr/fr/statistiques/6474294

3 - https://www.francetvinfo.fr/meteo/climat/rechauffement-climatique-l-union-
europeenne-a-reduit-ses-emissions-deco2-en-2018-selon-eurostat_3434041.html
- Publié le 08/05/2019.

 

7) Au passage je vous fais remarquer qu'en France il y a des riches qui polluent beaucoup et des pauvres qui ne peuvent pas se le permettre et polluent nettement moins.

Il faudrait - quand on parle de décarboner - prendre en compte aussi la dimension sociale du problème et pas seulement son aspect technique.

 

Emissions de GES des ménages français par décile

 

8) Mais regardons les tendances. Ici on voit quels sont les pays qui essayent d'améliorer leur situation en mettant en route des programmes de réduction des GES, parfois chers, mais efficaces : France et Italie sont classées comme moyens (28e et 29 place), tandis qu'on voit bien les efforts de l'Allemagne.

La source est le Climate Change Performance Index, qui « analyse les actions de chaque pays dans quatre catégories : la politique climatique, les énergies renouvelables, la consommation d'énergie et les émissions de gaz à effet de serre ».

 

 

9) - Ici vous pouvez retrouver les données (simplifiées) de la production d'électricité en France et en Italie : en France on trouve le nucléaire et 21 à 25% de renouvelables, en Italie on a beaucoup de gaz et 41 à 45% de renouvelables. Je ne tiens pas compte du fait que les incinérateurs sont considérés en France comme "renouvelables", car l'Italie n'a pas fait mieux par le passé, en finançant l'incinération des déchets.

Mais ce qui est intéressant, c'est la forte progression, en Italie, du nombre d'installations de production d'énergie renouvelable et notamment du solaire, permise par le fait qu'elle a cessé d'investir dans le nucléaire : en 2013 (600 mille), en 2016 (850 mille), en 2021 (plus d'un million).

 

https://bilan-electrique-2020.rte-france.com/production-production-totale/#

4 https://it.wikipedia.org/wiki/Produzione_di_energia_elettrica_in_Italia

 

10-11) Toujours sur les tendances, voici deux captures d’écran d'une vidéo à charge contre l'Allemagne, mise en ligne par Le Monde.

Au passage on voit que les efforts faits par l'Italie pour réduire ses émissions de GES - sans nucléaire - ces 15 dernières années sont nettement plus importants que ceux de la France, pays nucléarisé et forcément vertueux.

 

Comment Merkel a raté la transition écologique de l'Allemagne

 

Je ne propose évidemment pas de prendre l'Italie comme modèle, car ils ont fait beaucoup d'erreurs et pris des décisions contradictoires, mais simplement de réfléchir au fait qu'on peut décarboner la production d'énergie sans se lancer tête baissée dans une voie extrêmement dangereuse et lente. La question de la production d'énergie électrique, il faut la voir comme un problème à résoudre et pas comme un article de foi, où le premier commandement serait la poursuite du nucléaire.

D'ailleurs la question de la décarbonation est une question qui concerne l'ensemble des activités productives et pas seulement la production d'électricité.

 

Une dernière chose : on nous parle de sobriété et on nous propose une source d'énergie qui jusque là a été source de gaspillage : aucun pays d'Europe n'a osé imposer le chauffage électrique dans les logements sociaux, qui sont en majorité des passoires thermiques, où les gens se ruinent pour payer leur électricité, sans pouvoir se chauffer correctement. Et au moment où certains bailleurs commencent à installer du gaz, on cherche à nous imposer la voiture électrique.


Au lieu de piller l'argent du livret A pour financer le nucléaire, l'Etat devrait plutôt assurer une bonne isolation des logements et réserver l'électricité à ses usages spécifiques. Je rappelle qu'en matière de production d'électricité, la fission nucléaire est d'une faible efficacité : elle produit 70% de chaleur - qui réchauffe directement l'atmosphère, les rivières et la mer - et seulement 30% d’électricité.

De plus, la production des centrales nucléaires suppose un réseau de distribution fortement centralisé, qui se traduit par une forte déperdition d'énergie : plus de 2% sur le réseau RTE et 6% sur celui d'Enedis. En incluant l’autoconsommation des postes de transformation et les pertes dites « non techniques » (fraudes, erreurs humaines, etc.), les pertes d’électricité en France entre le lieu de production et de consommation avoisinent 10% en moyenne. Recourir à des sources d'électricité de proximité réduirait cette déperdition.

 

Je pense qu'il faut préserver l'unité, les compétences et le statut public d'EDF, en soustrayant la production et la distribution d'énergie aux appétits des vautours qui se nichent dans ce marché juteux. La production d'énergies renouvelables assurera aussi la pérennité de cette entreprise, qui ne doit pas être dépecée et privatisée, mais gérée comme un bien commun de première nécessité.

 

Pour conclure : nous avons encore la possibilité d'arrêter de produire de l’électricité avec l'atome avant que survienne une catastrophe, dont le coût sera plus élevé que celui de l'ensemble du programme nucléaire. Je propose de suivre l'exemple de l'Italie qui a appris à se passer de cette énergie.

Il nous enseigne que tant que le nucléaire sera là, il absorbera la plupart des financements, ne laissant que la portion congrue au développement des renouvelables et aux économies d'énergie.

 

 

Gianni CARROZZA, Noisy-le-Sec, le 10 mars 2023