« Le coefficient de risque des centrales nucléaires est 10 fois ou peut-être d’avantage plus élevé que celui de toute autre technologie de production d’électricité. Un réacteur nucléaire est un système technologique tellement complexe qu’il est impossible de le rendre réellement sûr. Et les conséquences d’un accident sont si terribles que nous avons besoin d’une sécurité totale, mais impossible. Les proportions des conséquences sont totalement démesurées si on les compare à des avaries, à des accidents d’avions ou d'autres technologies, où l’on peut calculer le nombre exact des victimes. Ici, les conséquences se prolongeront pendant des dizaines de générations.
Comme spécialiste de la radioprotection et comme ex-directeur de l’Institut de l’énergie nucléaire de l'Académie des sciences de Biélorussie, je peux affirmer que dans le monde il n’y a pas de centrale nucléaire sûre. Les accidents peuvent malheureusement se produire partout et c’est un mythe que seules les centrales soviétiques seraient vulnérables. Ceci est confirmé par les accidents qu’il y a eu en Angleterre ou à Three Miles Island aux États-Unis. Aussi, ce n’est pas seulement pour nous aider, nous les Biélorusses, que vous avez intérêt à collaborer avec nous, mais pour une connaissance réelle de ce qu’est cette technologie et quelles sont les conséquences de l’expérience terrible de Tchernobyl. »
Déclaration du directeur général de l’AIEA
sur la situation en Ukraine
par l'Agence internationale pour l'énergie atomique, le 27 février 2025
Suite à l'attaque d'un drone sur la centrale de Tchernobyl, le 14 février dernier, les experts ukrainiens ont localisé des incendies couvants dans l'isolation entre les couches de la structure en forme d'arche du NSC « New Safe Confinement », injectant de l'eau pour les éteindre. Travaillant par équipes, plus de 400 intervenants d'urgence participent aux efforts du site pour gérer les conséquences de l'attaque du drone.
« Les pompiers et les autres intervenants travaillent d’arrache-pied dans des conditions difficiles pour gérer l’impact et les conséquences de l’attaque du drone. Il s’agit clairement d’un incident grave en termes de sécurité nucléaire, même si cela aurait pu être bien pire » a déclaré le directeur général de l'AIEA, Rafael Grossi.
Emmanuel LEPAGE, Un Printemps à Tchernobyl, Futuropolis, 2012
Selon Greenpeace, dans son communiqué du 20 mars, la moitié de la partie nord du toit, ainsi qu’une partie du toit sud et des murs latéraux, auraient été affectés par des feux causés par l'attaque de drone. Le revêtement du toit serait gravement endommagé. La structure risquerait d’être corrodée par l’infiltration de neige et d’eau. Elle a « perdu son rôle protecteur des équipements qu’elle abrite ».
Réalisé par James Jones, lauréat d'un Emmy Award, « The Lost tapes » est un film captivant qui raconte l'histoire de la catastrophe et de ses conséquences à travers des images d'archives immersives, récemment découvertes, et des interviews réalisées auprès de ceux qui étaient sur place. Des images tournées à grands risques par une poignée de cameramen ayant accès à l’usine et cohabitant avec les « liquidateurs », ceux chargés d’empêcher une nouvelle explosion et de sécuriser le réacteur.
De l'indifférence au déni :
L'OMS et les dégâts des radiations (1946-2006)
Jusqu’au 5 septembre 2005, date de la publication du communiqué de l’AIEA, « Tchernobyl : l’ampleur réelle de l’accident 20 ans après, un rapport d’institutions des Nations Unies donne des réponses définitives et propose des moyens de reconstruire des vies », quiconque cherchait à cerner les conséquences de l’accident de Tchernobyl se trouvait confronté à une dualité d’informations contradictoires. (...)
50 morts et 4000 cancers « à venir ». Le vingtième anniversaire du triste événement approchant, un moment propice pour communiquer, un collège d’experts – nom de code Chernobyl Forum – avait reçu le 5 février 2003 la mission de rédiger un rapport en vue de clore toutes les controverses et débats entre experts et contre-experts. Le rapport, celui annoncé par le communiqué de l’AIEA – le Chernobyl Forum Report (CFR), établirait le bilan définitif (sic) de la catastrophe. Depuis, la seule réponse « autorisée » aux questions posées par les séquelles de l’accident, et reprise ad nauseam urbi et orbi, est condensée dans les toutes premières sentences des 13 pages de ce texte. (...)
Intervention d'Yves LENOIR à propos du livre : De l'indifférence au déni : L'OMS et les dégâts des radiations (1946-2006)
dans l'émission « Trous noirs » du 25 mars 2024 sur Radio Libertaire
La radioactivité continue de pénétrer dans le corps humain. Et la plupart de ces voies sont mal identifiées. Le travail tenace de BELRAD reste indispensable et il ne nous est pas facile de réunir les fonds nécessaires à son financement. J'espère que nous comprendrons enfin que notre adversaire n'est pas l'AIEA, qui remplit la mission qui lui est confiée par l'ONU, mais des organisations comme l'UNSCEAR, la CIPR et surtout l'OMS, dont la mission n'est pas de promouvoir le développement de l'énergie atomique et de maintenir l'humanité dans l'ère atomique, mais de protéger l'humanité contre les conséquences des crises radiologiques, comme tout autre facteur nocif pour la santé.
La comédie atomique L’histoire occultée des dangers des radiations
par Yves LENOIR, La Découverte, 2016,
Comment expliquer cette scandaleuse culture du déni des effets de la radioactivité ? En se plongeant dans les archives, en remontant aux premiers usages intensifs des rayons X et du radium. C’est ce qu’a fait Yves Lenoir pour ce livre où il retrace la surprenante histoire de la construction progressive d’un système international de protection radiologique hors normes au sein de l’ONU, qui minore systématiquement les risques et les dégâts des activités nucléaires.
L'association Enfants de Tchernobyl Belarus (ETB) propose aux associations,
biocoops, groupes antinucléaires et particuliers, une action simple à réaliser.
La campagne consiste à vendre des pommes pour soutenir et contribuer au financement de l’Institut BELRAD, seul organisme indépendant de radioprotection du Belarus, le pays le plus impacté par la catastrophe de Tchernobyl.
Depuis sa fondation par Vassily Nesterenko en 1990, l'Institut Belrad agit quotidennement pour informer, protéger et soigner les victimes du plus grave accident de l'histoire du nucléaire civil. Son expertise et les résultats qu'il a collectés sont uniques pour comprendre et mesurer les conséquences d'un accident qui n'a pour l'heure pas d'équivalent, mais dont on ne peut ignorer la probabilité.
Cette campagne permet également d'ouvrir un espace public de discussion et d'information dans un moment ou la question du nucléaire semble lançée dans une course en avant sourde et aveugle.
Le fonctionnement est simple et demande peu de moyens :
des pommes présentées dans une corbeille ;
une carte-présentoir en couleur – format A4 pliée en 2
– pour servir d'appel pour la campagne ;
des tracts d’informations pour donner avec chaque pomme achetée ;
une petite boîte pour recueillir le fruit des ventes.
Après l’accident de Tchernobyl, Vasily Nesterenko, physicien nucléaire, Directeur de l’Institut de recherche nucléaire de Sosny, prend immédiatement la mesure de la catastrophe et essaie d’alerter les autorités sur les mesures à prendre pour protéger autant que possible les populations. Il fonde l’Institut indépendant de protection radiologique Belrad en octobre 1990, à la suggestion et avec l’appui d’Andreï Sakharov, Prix Nobel de la paix 1975, d’Anatoly Karpov, champion du monde d’échecs, et de l’écrivain Ales Adamovitch.
L’Institut Belrad réalise notamment des mesures de la contamination radioactive dans l’organisme des enfants. Ces informations sont transmises aux habitants et on explique aux mères de famille comment éliminer une grande partie des radionucléides radiotoxiques présents dans les aliments. Des cures intermittentes de pectine de pomme chez les enfants contaminés réduisent la charge corporelle en radiocésium qui est cause de nombreuses maladies.
Ce livret présente et met en perspective le travail de l'Institut Belrad, seul organisme de radioprotection indépendant travaillant pour et avec les populations biélorusses vivant dans les zones contaminées.
Livre d'Oleg VEKLENKO, 2017 - traduit en ligne et mis en page par ETB
Le livre des mémoires d'un participant à la liquidation des conséquences de l'accident à
la centrale nucléaire de Tchernobyl. Artiste, professeur de l'Académie d'État de design et d'arts de
Kharkiv, Oleg Veklenko donne ses sentiments personnels, vécus lors de son séjour à Tchernobyl en mai-juin 1986.
Les histoires sans fard de la dure vie quotidienne sont écrites dans un langage vivant et complétées par
des dessins et des photographies de l'auteur.
Un Roman graphique de Matyáš NAMAI, Éd. Trédaniel, novembre 2024
Les origines de la catastrophe de Tchernobyl en avril 1986 sont complexes : politiques autoritaires, délais impossibles, manque d’argent et de matériaux, bureaucratie omniprésente et corruption politique – autant de facteurs dans la plus grande catastrophe nucléaire de l’histoire.
Ce récit graphique et poignant du désastre suit les dizaines d’histoires d’hommes et de femmes qui ont été cruellement touchés par la tragédie. Des ingénieurs et pompiers aux médecins et soldats, en passant par les enfants et familles des villes et villages alentour, jusqu’aux animaux des forêts, tous composent l’histoire de Tchernobyl, une mosaïque de victimes qui ont fait les frais des ambitions et de l’arrogance des hommes politiques.
par Bruno LETORT, Philarmonie de Minsk, le 20 juin 2006
(cliquez sur l'image ci-dessous pour écoute)
Le repos des âmes
par Stéphane CHMELEWSLY, Ambassadeur
de France au Bélarus (de 2002 à 2006)
Texte inclus dans le livret publié avec l'édition
du « Requiem pour Tchernobyl » de Bruno Letort.
Chœur et orchestre de Minsk, direction d'Andreï
Galanov, chef de chœur Ludmila Efimova.
Projections-débats en 2024 autour du film Tchernobyl, le Monde d'après
animées par Yves LENOIR
Le 26 avril 1986, le réacteur n° 4 de la centrale nucléaire de Tchernobyl explosait.
38 ans après ce désastre, la vie dans « le monde d'après » reste l'objet de témoignages limités et de reportages contradictoires allant du lénifiant à l'apocalyptique. La désinformation a de plus en plus le champ libre.
Début mai 2016, l'association Enfants de Tchernobyl Belarus a décidé de combler un vide en donnant la parole à quelques unes des rares personnes qui ont consacré leur vie à réduire autant que possible les risques et dommages qui menacent la population du fait d'un environnement radioactif. Surmontant le syndrome de la victime, refusant toute passivité fataliste, elles se dressent comme des figures de « derniers liquidateurs » investies dans une tâche sans fin – vivantes incarnations du Mythe de Sisyphe. Ce film a pour ambition première de leur rendre justice.
Dans son émission « Trous noirs » du 23 octobre 2023, Radio Libertaire recevait Yves LENOIR, président de l'association Enfants de Tchernobyl Belarus, fondée en avril 2001 à la demande de Vassili Nesterenko pour apporter à Belrad l'aide financière nécessaire à son fonctionnement.
Retour sur la catastrophe de Tchernobyl par Yves LENOIR
La comédie atomique L’histoire occultée des dangers des radiations
par Yves LENOIR, La Découverte, 2016,
Comment expliquer cette scandaleuse culture du déni des effets de la radioactivité ? En se plongeant dans les archives, en remontant aux premiers usages intensifs des rayons X et du radium. C’est ce qu’a fait Yves Lenoir pour ce livre où il retrace la surprenante histoire de la construction progressive d’un système international de protection radiologique hors normes au sein de l’ONU, qui minore systématiquement les risques et les dégâts des activités nucléaires.
par Yves Lenoir,
épilogue à La Comédie atomique,
repris dans Atomes crochus n° 5, 2017
(...) « Le maillon faible du « système atomique » est (...) la CIPR, une aberration sur le plan institutionnel et une organisation dont les finances sont très dépendantes de sa bonne renommée et du soutien des autorités politiques. Celle-ci influençant celui-là. En pratique, la charrue de la radioprotection institutionnelle a été mise avant les bœufs de la connaissance détaillée des effets des dites faibles doses de radiations sur le vivant. (...) On comprendra que, face au "clergé" de la religion atomique, l’engagement des politiques ne pourra se passer du soutien d’une forte mobilisation citoyenne, dans le monde entier. » (...)
(...) « L’UNSCEAR a été instituée en 1955 pour décréter la « Vérité » des effets des radiations. Sa création visait à favoriser la fondation de l’AIEA (1957) afin d’enclencher de la manière la plus harmonieuse possible l’entrée de l’Humanité dans l’ère de l’énergie atomique. La survenue d’accidents graves a nécessité l’extension de ses missions, qui sont aussi celles de la CIPR et de l’OMS, à savoir préserver l’avenir de l’énergie atomique en rendant socialement et politiquement acceptables l’exposition aux retombées radioactives et l’ingestion de nourriture contaminée par des radioéléments artificiels. »
« ON VOIT BIEN QUE L'ACTION SUGGÉRÉE DEVRAIT ÊTRE INTERNATIONALE. Mais malheureusement, les esprits sont polarisés par la problématique de « l’arrêt du nucléaire » qui n’a pas grande consistance si perdure l’image d’accidents sans conséquences autres que thyroïdiennes et psychologiques, dans un contexte de terreur climatique. Disqualifier l’édifice de la radioprotection apporterait de l’autorité aux papiers scientifiques et aux témoignages sur les séquelles sanitaires de ces accidents. Les apôtres de la poursuite de l’explotation de l’énergie atomique perdraient ainsi un atout majeur. Ne leur resterait que le climat, argument affaibli ipso facto face aux dégâts réels constatés des radiations en regard de ceux hypothétiques invoqués, compte tenu de la part minime que l’énergie atomique s’échine sans grand succès à conserver dans le mix énergétique mondial. »
En France, après la catastrophe,
la désinformation est plus que jamais à l’œuvre
« Il faut s'attendre dans les jours qui viennent à un complot international des experts officiels pour minimiser l'évaluation des victimes que causera cette catastrophe. La poursuite des programmes civils et militaires impose à l'ensemble des États une complicité tacite qui dépasse les conflits idéologiques ou économiques ».
Bella BELBÉOCH, le 1er mai 1986 5 jours après l'explosion du réacteur n°4 de Tchernobyl
Revoir la controverse de Tchernobyl par Alison KATZ, Le Courrier, Genève, le 20 février 2022
Face aux velléités de relance du nucléaire, vu comme une « solution » contre le changement climatique, il est essentiel pour les citoyen·nes de comprendre les conséquences sanitaires et environnementales liées aux activités nucléaires (commerciales et militaires), en particulier celles résultant d’accidents. (...)
Concernant la catastrophe de Tchernobyl survenue en 1986, il existe, selon les sources, d’énormes divergences dans les estimations de mortalité, ce qui a contribué à la confusion et à une méfiance de la part du public. De tels écarts vont bien au-delà de l’habituelle marge d’erreur et nécessitent des éclaircissements.
50 décès directement imputables à l’accident de la centrale nucléaire et 4000 décès potentiels dus aux cancers induits par les radiations dans le futur: c’est l’estimation faite en 2005 par le lobby nucléaire dans le rapport onusien du « Forum Tchernobyl ». 985 000 morts, c’est l’estimation avancée par des chercheurs indépendants dans un livre publié par l’Académie des sciences de New York (NYAS) en 2009, intitulé Tchernobyl : conséquences de la catastrophe pour la santé et l’environnement. (...)
« D'abord, nous devons convaincre
le public qu'une bonne santé n'est
pas ce qu'il y a de plus important. »
26 avril 1986, exposion du réacteur de la centrale de Tchernobyl
Des articles toujours plus nombreux réécrivent l’histoire du « Mensonge de Tchernobyl », le réduisant à une simple caricature qu’ils s’empressent ensuite de dénoncer. La mauvaise foi de certains auteurs est patente mais leur influence s’étend désormais à certains grands médias. Il est donc temps de faire face au révisionnisme ambiant : le mensonge de Tchernobyl n’est pas un mythe construit par des adeptes de la théorie du complot.
La CRIIRAD a rédigé toute une série de documents détaillant les dysfonctionnements, nombreux et graves, constatés dans la gestion de la crise de Tchernobyl par l’État français : chiffres tellement sous-évalués qu’ils en deviennent absurdes, affirmations totalement fausses sur les niveaux de risque sanitaire, violations des prescriptions réglementaires par ceux-là mêmes qui auraient dû les faire appliquer, défaut de protection des enfants qui recevront pour certains des doses à la thyroïde très supérieures aux normes en vigueur...
Quinze jours après la catastrophe de Thernobyl, retour sur la polémique ouverte sur les taux de radiation constatés sur le territoire français. Le 10 mai 1986, sur le plateau du JT de 13h de TF1, Pierre PELLERIN, directeur du Service central de protection contre les rayonnements ionisants (SCPRI), révèle que, contrairement à ce qui avait été annoncé quelques jours plus tôt, le nuage radioactif avait également touché la France.
Monique SÉNÉ, physicienne au CNRS, dénonce la révélation tardive de ces informations.
La grande roue s’est arrêtée.
Les rires des enfants sont éteints
pour toujours.
La forêt envahit les murs.
Et du naufrage de la ville
Ne restent que des souvenirs
Empoisonnés.
poéme de Catherine Lieber
dessin d'un enfant du Belarus
Tenants et aboutissants
de la gestion du désastre de Tchernobyl par Yves LENOIR (avril 2021) président d'Enfants Tchernobyl Belarus
Document de synthèse sur l'accident de Tchernobyl et ses effets toujours présents, à l'occasion du 35ème anniversaire de la catastrophe. L'état général de la santé de la population belarusse ne cesse de se détériorer. Le déni sur cette contamination et le drame sanitaire qu'elle représente se poursuit toujours.
Hier Tchernobyl.
Demain Flamanville ? Communiqué du CAN Ouest (22 avril 2021)
La mise en service de l'EPR de Flamanville devient très improbable et est reportée après les élections présidentielles, en 2022. Et malgré cela, EDF fait livrer le combustible neuf (barres d'uranium enrichi). Depuis le 1er février 2021, chaque semaine, un à deux camions quittent l'usine de Romans sur Isère dans le Sud pour arriver à Flamanville. Même avec le confinement, ces convois ni urgents ni essentiels continuent.
Pour les « liquidateurs » c'est plus de 100 000 morts et plus de 200 000 invalides, et pour les populations exposées à la contamination le bilan (serait déjà selon les estimations) probablement supérieur à 985 000 de morts à travers le monde.
Par l'intermédiaire de son ambassade à Paris, l'Ukraine qui a engagé 250 000 liquidateurs à Tchernobyl, communiquait à la presse en 2004, que 84% des liquidateurs sont malades.
Le grand succès international de la série télévisée Chernobyl pose un grand problème. La réalisation est efficace et impressionnante. Les pronucléaires sont confortés dans leur opinion qu’il s’agissait d’une catastrophe soviétique. Les antinucléaires se réjouissent de ce rappel des dangers du nucléaire. Les associations pour les enfants de Tchernobyl enregistrent un regain d’appels de familles volontaires pour l’accueil d’enfants des zones contaminées. Et des victimes aujourd’hui oubliées se réjouissent qu’on reparle d’elles. Mais peut-on se réjouir qu’une œuvre de qualité hollywoodienne incontestable, non seulement comporte bon nombre d’erreurs, d’invraisemblances et de contrevérités, mais en outre évacue des dimensions essentielles de l’évènement dont elle parle ?
La série « Chernobyl » réécrit-elle l’histoire ? par Valérie ARNHOLD, The Conversation, le 29 août 2022
L’explication de la série (présentée comme « la vérité » éclatant au grand jour malgré les dissimulations et dénégations des responsables soviétiques) est le produit d’un travail de mémoire autour de l’accident, marqué par de nombreuses controverses autour des causes de la catastrophe et des responsabilités associées. Peut-on réellement dire que cet accident n’aurait pu se produire ailleurs qu’en URSS ? Les travaux en sciences sociales sur Tchernobyl, mais aussi sur d’autres accidents nucléaires, nous invitent à mettre la singularité soviétique de la catastrophe en doute.
Un événement raconté par une seule personne est son destin. Raconté par plusieurs, il devient l’Histoire. Mes interlocuteurs m’ont souvent tenu des propos similaires : « Je ne peux pas trouver de mots pour dire ce que j’ai vu et vécu… je n’ai lu rien de tel dans aucun livre et je ne l’ai pas vu au cinéma… Personne ne m’a jamais raconté des choses semblables à celles que j’ai vécues. »… Chaque chose reçoit son nom lorsqu’elle est nommée pour la première fois. Il s’est produit un événement pour lequel nous n’avons ni système de représentation, ni analogies, ni expérience. Un événement auquel ne sont adaptés ni nos yeux, ni nos oreilles, ni même notre vocabulaire. Tous nos instruments intérieurs sont accordés pour voir, entendre ou toucher. Rien de cela n’est possible. Pour comprendre, l’homme doit dépasser ses propres limites. Une nouvelle histoire des sens vient de commencer…
Sveltana ALEXIEVITCH, La Supplication
Le 26 avril 1986 commençait la catastrophe de Tchernobyl. Analysé, commenté, filmé depuis 35 ans, cet évènement majeur de notre histoire contemporaine reste une «énigme à résoudre pour le XX° siècle» nous avait annoncé Svetlana Alexievitch (prix Nobel de littérature en 2015).
C’est justement son texte La supplication, paru en 1997 dans la revue russe Amitié entre les peuples et traduit depuis dans de très nombreuses langues qui a permis aux lecteurs du monde entier de prendre conscience des effets délétères de cette catastrophe technologique et humaine sans retour.
Cet « Hymne à l’amour » vaut d’être chanté partout sur la Terre par un gigantesque chœur de femmes.
Un appel est lancé pour que le prologue de La Supplication soit lu partout ce 26 avril 2021.
LES EFFETS BIOLOGIQUES À LONG TERME des faibles doses de rayonnement ionisant ont donné lieu depuis le début des années 70 à des débats particulièrement animés où la sérénité scientifique n'a guère été respectée.La polémique est quasiment restée confinée au milieu des experts en radioprotection et a été à peine abordée par les medias.
La palme de la discrétion revient à la France où tout s'est passé comme si une véritable censure s'était exercée, à moins qu'il ne s'agisse tout simplement d'une indifférence totale vis-à-vis de ce problème. Et pourtant il concerne la santé publique et il est un élément important du dossier de l'énergie nucléaire, probablement le plus important, pour déterminer les critères d'acceptabilité de cette énergie et pour en établir un véritable bilan sanitaire. Il est évident que dans ces conditions on ne pouvait guère espérer, malgré les besoins de la démocratie, que se tienne un débat académique courtois.
Le facteur de risque biologique lié aux faibles doses de rayonnement représente un enjeu économique considérable ; s'il est élevé cela doit entraîner, pour assurer une radioprotection suffisante, une augmentation des coûts de construction des installations, l'augmentation des coûts d'exploitation, l'aggravation des exigences pour le stockage des déchets, la réduction des autorisations de rejet d'effluents radioactifs (augmentant ainsi les quantités de matière à retraiter et à stocker); enfin certaines installations devraient peut-être arrêter leur activité. (...)
Il est possible que des critères purement sanitaires conduiraient à la
conclusion qu'en cas d'accident grave sur une installation nucléaire, il
serait impossible d'assurer une alimentation correcte de la population.
Le problème des faibles doses de rayonnement pose donc de façon
aiguë et urgente la question : doit-on protéger la santé publique, doit-on
protéger les individus qu'ils soient foetus, enfants, vieillards ou malades
ou doit-on préserver des intérêts économiques en acceptant que certains individus disparaissent de façon préférentielle ? Il est capital qu'une réponse claire soit faite à cette question ; il y va de la moralité des pouvoirs publics et des forces politiques qui sont censées représenter l'ensemble des citoyens. »
Tchernobyl par la preuve
Vivre avec le désastre et après
par Kate BROWN, Actes Sud, 2021
Révélé dans ce livre : quelques heures après l'incendie de Tchernobyl, une flottille d'avions russes Tupolev TU-16 a sillonné le ciel jusqu'à 100 km autour de la centrale pour ensemencer les nuages radioactifs et déclencher prématurément des pluies létales. On comprend dans cet ouvrage à quel point Tchernobyl fait figure de mère des catastrophes modernes. La plupart de celles qui l’ont suivie reprendront le même schéma, dans lequel l’État gestionnaire se sert de l’accident pour transformer en profondeur la société — le plus souvent, contre son gré. On l’a vu à l’œuvre aux États-Unis après le 11 septembre, qui a renforcé la société de surveillance, au Japon après Fukushima, devenue emblème de l’acceptation — forcée — du risque technologique… et il y a fort à parier que la pandémie de Covid-19 ne le reproduise. Et ce, toujours au détriment des dépossédés.
par Alexey V. YABLOKO, Vassili B.et Alexey V. NESTERENKO et Natalia E. PREOBRAJENSKAYA, Académie des sciences de New -York (2010) - livre traduit par Independent Who en 2015
Cet ouvrage met à la disposition du lecteur une grande quantité d'études collectées dans les pays les plus touchés : la Biélorussie, la Russie et l'Ukraine.
Les auteurs estiment que les émissions radioactives du réacteur en feu ont atteint dix milliards de curies, soit deux cents fois les retombées des bombes atomiques lancées sur Hiroshima et Nagasaki, que sur les 830 000 « liquidateurs » intervenus sur le site après les faits, 112 000 à 125 000 sont morts, et que le nombre de décès à travers le monde attribuables aux retombées de l'accident, entre 1986 et 2004, est de 985 000, un chiffre qui a encore augmenté depuis cette date.
La santé des liquidateurs, 10 ans après l'explosion de Tchernobyl
Actes du Symposium organisé à Berne Suisse
par PSR / IPPNW, le 12 novembre 2005 Avec les interventions de M. Fernex, C. Knüsli,
A. Nidecker, M. Walter, V.B. Nesterenko,
R.I. Goncharova et autres...
Document édité Les Enfants de Tchernobyl
La section Suisse de l’association internationale des « Médecins pour une Responsabilité Sociale pour la Prévention de la Guerre Nucléaire »réfute les arguments officiels prétendant que la plupart des problèmes de santé après Tchernobyl sont dues à la radiophobie, au stress, à l’alcool, au tabac et à la désinformation par les médias.
En 2021, l’association française « Les Enfants de Tchernobyl », le Centre « Ecologie et Santé » d’Ivankiv (Ukraine) et l’Institut de radioprotection « Belrad » de Minsk (Biélorussie) l'affirment : « la catastrophe sanitaire de Tchernobyl se poursuit ».
Entretien avec
Youri Bandajevski réalisé par Roland MERIEUX (2011)
Il y a dix ans, se préparait la 25ème commémoration de l’accident de Tchernobyl. Youri Bandajevski, anatomo-pathologiste, qui après l’accident de 1986 était allé fonder un hôpital et une université de médecine au coeur des zones contaminées, qui 9 ans plus tard a été emprisonné par la dictature bélarusse pour ses opinions sur la prise en charge des victimes de Tchernobyl, et qui après sa libération a fondé au bord des zones contaminées ukrainiennes un centre international destiné à la radioprotection des habitants des zones contaminées, était un interlocuteur particulièrement à même d’enrichir en profondeur notre réflexion autour de cette commémoration. Tchernobyl, Fukushima… après la survenue de la catastrophe japonaise, l’entretien s’est poursuivi.
When safe enough is not good enough : Organizing safety at Chernobyl
by Sonja D. SCHMID (mars 2011) Bulletin of the Atomic Scientists
Quand suffisament sûr n'est pas suffisant : organiser la sureté à Tchernobyl
Tchernobyl n'était pas un désastre en attente de se produire, mais il s'est produit malgré les efforts continus pour améliorer la sureté nucléaire. Tchernobyl met en lumière que ce que l'industrie nucléaire considère que « suffisamment sûr » est toujours lié à des périodes historiques spécifiques, des contextes culturels et des arrangements institutionnels, et que même les meilleurs efforts pour assurer la sûreté nucléaire ne suffiront pas.
Extérieurement, le réacteur 4 de la centrale de Tchernobyl était un bâtiment comme un autre. C’est une illusion d’optique, car Tchernobyl, ce n’est plus là. Tchernobyl s’est dispersé dans le monde, c’est un « malheur du monde entier ».
Un livre de référence. Indispensable, qui tire un trait sur 25 ans de censure. Admirable par la richesse et l’organisation lucide de l’information.
André Paris s'est attelé avec la CRIIRAD à mesurer et cartographier les retombées de Tchernobyl sur le territoire français et même au delà, et dresser cet Atlas de référence.
Ce film montre les tensions entre les différents protagonistes présents à la Conférence internationale sur les conséquences médicales de la catastrophe de Tchernobyl, organisée à Kiev en juin 2001 sous l’égide de l’OMS. Il témoigne des dénis exercés par les institutions pronucléaires de l’ONU, responsables de la gestion des conséquences de la catastrophe de Tchernobyl, qui condamne des millions de cobayes humains à expérimenter dans leur corps des pathologies nouvelles dans le vaste laboratoire à ciel ouvert des territoires contaminés par Tchernobyl. Avec la participation de Michel Fernex, Chris Busby, Alexey Yablokov, Yuri Bandajevsky, Vassili Nesterenko et de nombreux radiobiologistes russes.
par Valérie ARNHOLD, France Culture, Sans oser le demander, le 24 octobre 2022
Comment les accidents nucléaires ont-ils été minimisés, puis normalisés, ou traités comme de simples "incidents", pour légitimer ce mode d'énergie ? Comment décrypter les discours autour la sûreté nucléaire ?
Depuis l'invasion de l'Ukraine par la Russie, la prise de contrôle de la centrale de Zaporijia a peut-être relancé la question. Pas qu'elle ait vraiment disparu, mais des souvenirs de Tchernobyl ou de Fukushima ont peut-être tout à coup ressurgi.
La centrale nucléaire de Zaporiija en Ukraine
Et si ça tournait mal ? Et si malgré les discours techniques et sécuritaires, on avait confondu le risque, probable, et le danger, réel ? Et si on avait négligé les risques sur le long terme ? Et les catastrophes naturelles, et l'erreur humaine ? Parce que le nucléaire n'a rien de banal, aujourd'hui on repose la question : va-t-on tous mourir dans un accident nucléaire ?
L’ONU et ses organes, des institutions de et pour l’âge atomique par Yves LENOIR, novembre 2017
Chronologie de la mise en place des agences onusiennes de radioprotection : la CIPR (1928), l'OMS (1948), l'UNSCEAR (1955), puis enfin, l'AIEA (1957). Ceux qui prétendent protéger l’humanité des radiations ont été les plus ardents promoteurs de son avènement et s’acharnent aujourd’hui de le pérenniser contre vents et marées. Deux institutions sont illégitimes. Non pas parce qu’elles pilotent le déni des séquelles de Tchernobyl et Fukushima, mais parce qu’elles sont juridiquement soustraites à tout contrôle de leurs activités : la CIPR et l’UNSCEAR.
Tchernobyl, le monde d'après par Michel LABLANQUIE, avril 2018
Depuis le 26 avril 1986, la situation sanitaire dans les territoires les plus touchés par la catastrophe de Tchernobyl ne cesse de continuer d'empirer. La crise de Tchernobyl révèle la logique de la « protection radiologique internationale » : il s’agit bien de préserver l’avenir de l’énergie atomique en rendant socialement et politiquement acceptables l’exposition aux retombées radioactives et l’ingestion de nourriture contaminée par des radioéléments artificiels. Il faut donc déterminer et faire admettre un compromis entre coût des mesures exceptionnelles à consentir et exposition « tolérable » des groupes humains.
Risques nucléaires : à quand la fin du monopole des experts internationaux ? par Christine FASSERT et
Tatiana KASPERSKI, The Conversation, 23 avril 2021
« Si les origines des accidents sont le plus souvent expliquées par des facteurs liés au développement de l’industrie nucléaire et de ses instances régulatrices à l’échelle nationale, la « gestion » de leurs conséquences dépasse progressivement les frontières nationales. À ce titre, l’accident de Tchernobyl va consacrer la monopolisation de l’autorité du savoir sur les radiations ionisantes par un ensemble restreint d’organisations – l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), la Commission internationale de radioprotection (CIPR) et le Comité scientifique des Nations unies pour l’étude des effets des rayonnements ionisants (UNSCEAR). Par un jeu d’alliances et de cooptations, ces organisations se constituent en un ensemble monolithique sur le risque radiologique. »
Il n'y a pas la sécurité nécessaire
pour éviter une catastrophe par le Pape FRANÇOIS, The Asahi Shimbum, novembre 2019
« Je n'utiliserais pas l'énergie nucléaire tant que la sécurité d'utilisation n'est pas totale. Certaines personnes disent que l'énergie nucléaire est contraire au soin de la Création, qu'elle la détruira et qu'il faut l'arrêter. C'est en question. Je m'arrête sur la sécurité. Il n'y a pas la sécurité nécessaire pour éviter une catastrophe. La catastrophe nucléaire en Ukraine dure encore, depuis tant d'années. Je distingue de la guerre, des armes. Mais je dis ici que nous devons faire des recherches sur la sécurité, tant sur les catastrophes que sur l'environnement. Et sur l'environnement, je crois que nous sommes allés au-delà de la limite. »
« Les partisans de l’énergie nucléaire mais aussi et surtout ceux des usines de retraitement de déchets et des surrégénérateurs ne sont en rien meilleurs que l’a été le Président Truman qui a fait bombarder Hiroshima. Ils sont même pires que lui, car les gens en savent aujourd’hui bien plus que le naïf président pouvait en savoir à son époque. Ils savent ce qu’ils font ; il ne savait pas ce qu’il faisait. Que nous, les hommes, nous périssions à cause d’un missile nucléaire ou d’une centrale prétendument pacifique, cela revient absolument au même. Les deux sont aussi meurtriers. Tuer, c’est tuer. Mort, c’est mort. Ceux qui préconisent l’un et ceux qui préconisent l’autre, ceux qui minimisent les effets de l’un et ceux qui minimisent les effets de l’autre se valent. »