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REQUIEM POUR THERNOBYL


Le repos des âmes

par Stéphane CHMELEWSLY, Ambassadeur de France au Bélarus (de 2002 à 2006)

Texte inclus dans le livret publié avec l'édition du « Requiem pour Tchernobyl » de Bruno Letort
Chœur et orchestre de Minsk, direction d'Andreï Galanov, chef de chœur Ludmila Efimova.

(cliquez sur l'image ci-dessous pour écoute)

 

 

Téléchargez le livret du CD

 


L'histoire du « Requiem pour Tchernobyl » commence en octobre 2005. Les autorités biélorusses commencent à envisager l'échéance du 20e anniversaire de la catastrophe. Elles souhaitent y trouver l'occasion de rappeler à la face du monde que la Biélorussie a été la principale victime des retombées, de par l'étendue des territoires touchés et le nombre des populations concernées. Elles espèrent que l'aide étrangère en sera significativement augmentée.

La France est alors depuis de nombreuses années, à la tête de ceux qui s'intéressent à la réhabilitation des territoires contaminés. Elle le fait dans un contexte politique défavorable, où le type d'assistance qu'elle apporte est accepté avec gratitude sur le terrain mais avec défiance par une administration présidentielle qui n'aime pas beaucoup l'esprit d'initiative civique qu'elle engendre en général dans les populations concernées.

Je recherche alors le moyen de mettre le 20e anniversaire à la une de la presse mondiale en le célébrant de façon à l'extraire des contingences politiques locales. La solution qui m'apparaît la meilleure consiste à suggérer au gouvernement biélorusse d'inviter le Patriarche Orthodoxe Alexis Il et le Pape Jean-Paul Il à prier ensemble à Gomel pour le repos de l'âme des victimes de la catastrophe.

Une multitude de raisons qui dépassent de bien loin la Biélorussie rendent une pareille rencontre extrêmement difficile. Néanmoins, je m'aperçois en examinant la faisabilité technique du projet que, sur le plan religieux, il est impossible de penser à une véritable concélébration. Des prières dites successivement par le Patriarche et le Pape peuvent être envisagées mais, si on se limite à celles-ci, la cérémonie risque de manquer de substance.

C'est alors que naît l'idée de faire composer pour la circonstance une pièce musicale, par définition un requiem, que les deux chefs d'Eglise pourraient entendre en y retrouvant chacun sa liturgie.

A la fin de 2005 et au début de 2006, à ma surprise, l'idée progresse. Les autorités biélorusses préparent, dans la plus grande discrétion, des lettres d'invitation. Encouragé, je passe donc commande à Bruno Letort, qui coopère depuis longtemps avec des formations orchestrales biélorusses, d'un « Requiem pour Tchernobyl »· Le Ministère des Affaires Etrangères accepte avec bienveillance d'inclure le projet dans fa programmation de l'Ambassade de France à Minsk. On recense les choeurs qui devront répéter l'oeuvre et on commence à se préoccuper de l'endroit où, à Gomel, le Requiem pourra être interprété.

Ce dernier est même annoncé comme contribution française au 20e anniversaire.

Mais, la politique nous rejoint. Pressenti, le Patriarche Alexis Il indique que l'idée d'une telle rencontre lui semble prématurée. D'autre part, les élections à la Présidence biélorusse de mars 2006 se tiennent dans la douleur et les tensions. Dès la fin mars, il est clair que le 20e anniversaire va se tenir dans un climat de réprobation envers la Biélorussie et sur un tout petit pied. Les autorités locales pressentent fort bien la chose et tout préparatif pratique du Requiem, dont les partitions (, et ) sont pourtant arrivées à Minsk à temps, est abandonné.

Ni le compositeur, ni l'ambassadeur, ne se résignent cependant à en rester là. À force de patience et de ténacité, la première du « Requiem pour Tchernoby » a lieu à la Philarmonie de Minsk le 20 juin 2006.

Des représentants de la population des territoires contaminés ont fait le voyage pour l'entendre. À l'issue du concert, le Professeur Nesterenko, qui avait survolé la centrale en hélicoptère dans les premiers jours après l'explosion du réacteur, me dit, en essuyant une larme : « c'est exactement le bruit que l'on entendait. » Cette parole ne doit pas être prise comme une critique de la musique. Elle montre que l'émotion née du Requiem avait rejoint chez ce scientifique celle qui était la sienne vingt ans plus tôt lorsqu'il promenait ses compteurs à cent mètres d'altitude au dessus du réacteur éventré et qu'il mesurait à la lecture de ses cadrans l'ampleur du désastre.

 


Stéphane CHMELEWSLY

Ambassadeur de France au Bélarus (de 2002 à 2006)