Commémoration de la tragédie de Fukushima
Paris, Place de la République, le 9 mars 2025
par Yves LENOIR, président d'ETB
Le 9 mars, lors du rassemblement Place de la République (Paris) commémorant le 14e anniversaire de la tragédie de Fukushima, à l'invitation de l'association Japonaise Yosomono, le président de l'Association «Enfants de Tchernobyl Belarus » a lu ce message de solidarité avec l'accord des organisatrices du rassemblement :
Il y a quatorze ans, dans la nuit du 10 au 11 mars 2011, nous enregistrions le CD « Lune d'Avril » au profit de l'Institut indépendant BELRAD de Minsk qui assure aujourd'hui depuis 35 ans la protection radiologique des enfant du Belarus. La cantatrice Catherine Lieber, membre du CA de ETB, venait d'interpréter un programme varié de musique profane et sacrée, accompagnée par Marie-Agnès Grall-Menet aux claviers des orgues de l'Église Saint-Jean des Abbesses à Paris. Dans les premières heures du 11 mars je raccompagnais l'organiste dans sa maison de banlieue… ; et me perdais sur le chemin du retour à cause de travaux et de déviations incompréhensibles.
Au petit matin je branchais la radio pour apprendre la terrible nouvelle d'un tremblement de terre sans précédent, suivi d'un tsunami dévastateur, et rapidement, de la perte de contrôle de trois réacteurs atomiques. |
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Fukushima ne me disait rien. Où se trouvait cette ville et la centrale ? Internet m'apporta la réponse, avec les vues de paysages magnifiques et des informations sur une région en quelque sorte pionnière pour l'agriculture biologique. Sachant ce que représentait la pollution radioactive de terres agricoles, comme il y en a tant de durablement contaminées au Belarus, je n'ai pu retenir mes larmes. J'ai saisi quel malheur et quelles douleurs allaient endurer une grande partie de habitants de la région. Il ne s'agit pas de statistique, mais d'épreuves vécues individuelles.
Sachez qu'au Belarus, aujourd'hui comme hier, la menace radioactive y atteint parfois des niveaux hallucinants : dans les cinq dernières années BELRAD a trouvé des contaminations de 50 000 à 350 000 Bq/kg dans des échantillons de champignons séchés provenant des forêts du pays, soit de 20 à 140 fois la limite pour la commercialisation de ce produit. Si ces champignons n'avaient pas été contrôlés, ils auraient été cuisinés dans la soupe que les paysans et leurs enfants consomment chaque soir d'hiver dans ce pays.
Le temps a passé, au Belarus comme au Japon. Cependant, les blessures sociales et personnelles ne sont pas toutes cicatrisées.
Un enseignement cependant : après Fukushima, la distribution de nourriture a fait l'objet de contrôles infiniment plus attentifs qu'après le drame de Tchernobyl, ce qui explique que dans une population infantile équivalente, le nombre de cancers de la thyroïde soit environ vingt fois moindre qu'au Belarus et au Nord de l'Ukraine. Mais ces cancers ont bien pour origine une exposition à l'iode radioactif.
Trente neuf ans après Tchernobyl des pans entiers de l'histoire sont restés dans l'ombre. Le narratif du Kremlin ne peut convaincre que ceux enclins à le gober pour en quelque sorte se dispenser d'en examiner les incohérences et les trous.
Sait-on mieux des suites de la gestion de Fukushima ? Je n'en ai pas l'impression. Les projecteurs restent braqués sur la centrale. Le démantèlement de ses trois ruines prendra certainement plus que les quarante ans prévus « à la louche » dans l'année 2012, tant les difficultés rencontrées restent insolubles. On ne reprochera pas ici l'erreur de prévision. Il s'agissait sans doute de prendre acte du fait que le nettoyage du site demanderait plusieurs décennies.
En revanche, c'est mon impression, les conséquences sur la santé des liquidateurs employés sur le site n'ont pas encore fait l'objet d'enquêtes épidémiologiques. Et, si ces enquêtes ont lieu, j'ai l'impression que leurs résultats sont des secrets d'Etat. II s'agit de santé publique. Ce serait donc à l'État japonais sous le contrôle de la Diète de mener les études. Ce qui, en clair signifie qu'il faut retirer cette mission à l'université médicale de Fukushima.
Que les conséquences sanitaires du travail des liquidateurs restent cachées est un scandale. Idem, faire pression pour le retour dans les zones contaminées est scandaleux : personne ne peut y jouir sereinement de la vie dans une nature accueillante.
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