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LA PPE EN PEINE


La PPE va-t-elle éclipser le soleil ?

La consultation du public sur le projet de décret approuvant la troisième édition de la Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), ouvert par le gouvernement le 7 mars 2025, vient de s'achever le 5 avril. La PPE doit maintenant être adoptée par le gouvernement.

La PPE doit fixer les objectifs de production et de consommation d'énergie pour 2025-2035, en espérant atteindre la neutralité carbone en 2050. Elle s'inscrit dans la «stratégie énergie-climat» qui intègre aussi la politique nationale bas carbone et la loi quinquennale de programmation énergie-climat – l'objectif étant de réduire la part des fossiles en baissant la consommation globale d’énergie, d'accélérer le déploiement des renouvelables... et d'acter la relance du nucléaire avec la construction d’au moins six EPR (alors que la PPE validée en 2020, et encore en vigueur, prévoit la fermeture de 12 réacteurs supplémentaires après les 2 de Fessenheim).

Le gouvernement comptait bien faire adopter la PPE par décret, sans débat, mais le 2 avril, face aux oppositions et à la menace de censure du RN, François Bayrou a concédé un débat au Parlement « dans les prochaines semaines » sur la feuille de route énergétique, débat qui est prévu sans vote.

 


Eric Drooker, The New Yorker, 15 nov. 2021

La fronde gronde à droite

Le 1° avril, des parlementaires avaient appellé l’exécutif à renoncer de publier le décret sur la PPE, qui selon eux ferait trop « la part belle aux énergies intermittentes » (éolien et photovoltaïque), « conçue dans un autre monde – celui d’avant les crises, d’avant la guerre, d’avant l’explosion des factures ». Le 11 mars, plus de 160 sénateurs de droite et du centre avaient déjà demandé au Premier ministre de ne pas publier le décret, fustigeant son absence de « vision globale ». Marine Lepen a pour sa part agité la menace d’une censure du gouvernement, estimant que le texte de la PPE « enferme la France dans des politiques toxiques, mortifères et ruineuses pour les dix prochaines années ». Déjà en 2023, le RN s’était opposé à plusieurs mesures favorables aux énergies renouvelables dans le cadre de la loi « climat ».

De la droite-extrême au centre, tous jugent que le nucléaire est relégué au second plan dans ce projet, et se verraient bien profiter du débat sur la PPE pour enterrer plus efficacement les renouvelables pour les 10 ans qui viennent, et ouvrir au nucléaire un boulevard (de la mort ?).


La PPE éclipse les renouvelables et la démocratie environnementale

« À travers ce texte, le secteur solaire voit ses objectifs nettement revus à la baisse », analyse pour sa part Novethic dans un article du 17 mars. Dans la nouvelle mouture de la PPE, le gouvernement a décidé de revoir à la baisse les objectifs du photovoltaïque. Certains acteurs de la filière du nucléaire ont déjà pris position et ont trouvé dans le solaire le bouc émissaire idéal en l'accusant de « déséquilibrer le mix de production électrique et l'adéquation offre/demande » ou d'engendrer « une surproduction très pénalisante pour le consommateur ou le contribuable ».

À l'issue de consultations préalables, l'avis du Conseil national de la transition écologique (CNTE), celui du Conseil supérieur de l’énergie (CSE), et le rapport des garants sur le bilan de la concertation soulignaient de leur côté deux lacunes majeures dans les documents présentés par le gouvernement : «la volonté d’approuver la PPE par décret, et l’absence de toute indication sur le financement et l’impact économique sur les coûts de production du système énergétique futur résultant des mesures envisagées». Dans un communiqué commun, France Nature Environnement et Humanité & Biodiversité dénoncaient le 11 mars le fait qu'aucune réponse n'ait été apportée sur ces deux points, demandant que soit tenu compte des enseignements tirés de la concertation.


Le nucléaire
en embuscade

L'observation de cette PPE vient dans un contexte où l'enjeu du nucléaire fait feu de tous bois. Un conseil de politique nucléaire s'est tenu en huis clos le 17 mars à l'Élysée, suite au conseil de planification écologique du 31 mars, porte-voix de la parole présidentielle. Et alors que les débats publics et concertations sur les EPR2 s'enchaînent, le gouvernement prévoit de réduire le champ d'intervention de la CNDP en lui retirant la possibilité de se saisir des projets industriels raison pour laquelle les salariés de la CNDP se sont mis en grève le 25 mars. Une proposition de loi du sénateur (LR) Daniel Gremillet « portant programmation nationale et simplification normative dans le secteur économique de l'énergie », devrait aussi être examinée avant l'été.


Simplifier pour passer en force

Pas besoin de consentement. « Simplifier pour accélérer » avait promis Macron aux investisseurs lors du sommet de février sur l'lA. La simplification s'était déjà traduite par la fusion de l'ASN et de l'IRSN, pour faire place à l'ASNR – dont la réaction tardive et laxiste à la récente fuite dans le circuit primaire de Flamanville 1 pousse la Criirad à s'interroger sur la dégradation du système de contrôle.

Le projet de loi de « simplification de la vie économique » qui sera examiné le 9 avril à l’Assemblée nationale, est une loi de dérégulation taillée sur mesure pour l'industrie pour permettre entre autres d'accélérer et imposer la construction d’immenses data centers. Le 2 avril, La Quadrature Du Net a demandé un moratoire sur la construction de ces infrastructures. Ce texte censé fluidifier l’économie « prépare le terrain au trumpisme » selon le député écologiste Charles Fournier, en validant « la poursuite d’un chemin idéologique qui consiste à détricoter le droit environnemental et à réduire les possibilités de recours des citoyens devant l’impérieuse nécessité du développement industriel et économique ».


Déconnecter les systèmes d'alarmes

Tout cela ressemble bien à une offensive visant à imposer méthodiquement la relance du nucléaire en France. Une offensive qui vient en réaction tenter de parer à quelques déconvenues majeures, avec la publication fin 2024 du Rapport WINSR sur l’état de l’industrie nucléaire dans le monde, celle du rapport à charge de la Cour des comptes, les remous qui pèsent sur les débats publics de l'EPR2, les multiples déboires de l'EPR de Flamanville, les problèmes de corrosion et de fuites, comme celle du circuit primaire de Flamanville 1... la liste est longue.

Comme si dissimuler les coûts, brider les débats, ignorer les signaux faibles et négliger la sûreté étaient un mal nécessaire pour permettre la domination des datas, au risque d'exposer la planète à un accident atomique majeur. Lequel est toujours possible et même l'ASN et l'IRSN historiques nous en avertissent. Accident majeur dont la probabilité s'accroît à mesure que les systèmes d'alarmes sont l'un après l'autre déconnectés. Mais à la veille de la date anniversaire de Tchernobyl, il est stratégique pour les pronucléaires de marquer le terrain et d'occuper la place... et si besoin à la tronçonneuse.


Les antinucléaires restaureront les alarmes en commémorant le 39° anniversaire de la catastrophe de Tchernobyl, le 26 avril prochain. Joignez-y vous.